26 avr. 2013

Harvest Breed à la Sala Rossa, une histoire de bulle

Des petits pas. Pas énormément en fait, mais parfois les plus difficiles car ils sont sur la dernière ligne droite, juste avant de se trouver face au mur. Et parfois, face au mur on est bien, on voit les choses telles qu’elles sont. Ça peut aussi être inconfortable, étouffant. Toujours est-il qu’hier soir, je n’ai pas été capable de franchir une zone de confort, sans doute, entre la scène et le public. S’il y en avait eu un ou deux qui avaient osé, je me serais sans doute avancée. Mais voilà, il y avait un fossé étrange entre la scène et le public. Ça n’a pas gâché mon plaisir, mais ça m’a posé beaucoup de questions. Mise en garde, ceci n’est pas un retour sur l'excellente performance d’Harvest Breed hier soir, ceci est une perception de l’écoute du concert d’Harvest Breed. 
Il y a un an, j’avais écrit ceci « Sans avoir de vision sur son impact commercial et l’accueil que va lui réserver la critique et le public, il reste pour moi, l’un des meilleurs albums de ce début d’année. Quand on rencontre quelqu’un pour la première fois, il faut se fier à son instinct. » Vous connaissez ce sentiment, l’album qu’on écoute en boucle jusqu’à plus soif. Puis, il se glisse discrètement dans le fin fond des playlists d’un Ipod obèse, qui déborde de toutes sortes de nourriture pas toute très saines. Alors quand j’ai vu qu’ils allaient jouer à la Sala, j’étais emballée. On s’entend que je vais à des concerts quasiment un soir sur deux, alors, quand je peux y aller sans le sentiment de découverte, sans la crainte que ce que j’ai écouté sur bandcamp n’ai été auto-tuné, en sachant que j’ai à faire à d’excellents musiciens, que je suis en terrain connu, c’est comme être critique gastronomique et aller au Pied de Cochon : on se fait plaisir.

Les premières minutes, j’avais l’impression d’être à une grande réunion de famille, beaucoup de conversations, une écoute discrète, mais un enthousiasme certain. Les gens, sans doute très heureux de se (re)voir, échangent, parlent plus ou moins bas, rient et créent une sorte de dynamique nerveuse et enlevée. Ça me va, tant qu’on ne me met pas son téléphone intelligent sous le nez avec conversations coquines pré-soirée torride sous la couette. Voilà, c’est ça, j’avais choisi le mauvais endroit, celui du group(i)e de filles. Pas grave, quelques pas sur ma gauche, et tout irait pour le mieux. Pendant que je décortiquais les sons (j’adore faire ça, surtout quand il y a six musiciens ou plus sur scène, c’est comme découvrir les ingrédients d’une recette, on en revient toujours aux comparaisons culinaires), les seuls vaillants qui s’approchaient étaient les photographes. Il faut dire qu’il y avait du beau monde sur scène. Le concert avance et d’un coup, je ne suis plus là, j’ai dit « merde » au fossé qui créait un sentiment d’inconfort (mon dieu, qu’ils doivent se sentir loin du public, que le monde est sage, est-ce un triangle des Bermudes ou si je m’approche, je risque de disparaitre). 

Et là, je comprends, c’est leur bulle !! On a tous une bulle (personnellement moi j’en ai neuf et je travaille fort pour que ça ne paraisse pas) au-delà de laquelle on ne veut pas que l’autre entre. Selon les cultures, le degré d’intimité ou la psychologie d’un individu, cette zone invisible est plus ou moins grande. L’important est de la respecter (la bulle s’arrête la où commence celles des autres). Et c’est ce que tout le monde a fait hier soir. C’est pour la même raison qu’après chaque concert, je déteste aller parler du show avec les artistes : y’a comme une impudeur, et puis je ne suis jamais vraiment sûre de ce que j’en ai pensé avant les premières heures du matin, alors ça donne de puissantes réflexions comme « C’était vraiment bien, j’ai adoré ». À mon réveil, je me suis dit que les petits pas n’avaient pas été faits pour me coller à la scène, mais dans tête j’étais pour vrai, au dessus de tout, au plafond, juste à savourer le moment présent. Ce qui compte c’est le fond plus que la forme, les bulles n’ont pas toutes besoins d’être brisées. 

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