On peut dire que l’Acadie fait parler d’elle ces derniers temps. C’est comme s’il y avait un « revival » des artistes acadiens, un coup de projecteur sur la francophonie du Nouveau-Brunswick (Radio Radio, Lisa Leblanc, Les Hôtesses d'Hilaire, les Hay Babies) et son parler typique, j’ai nommé le chiac, sorte de franglais. Ce qui n’est pas sans soulever une polémique assez stérile concernant la « francophonie pour les puristes », où certains voit l’introduction de mots anglais francisés comme l’arrivée du diable en personne. Il paraitrait que cela nuit au « bon français », selon Christian Rioux, qui pense que nous sommes déjà peu à parler français en Amérique du Nord, alors si on se met à le noyer sous des mots anglais et que le monde trouve ça « cool », la poche de résistance francophone va se volatiliser.
Si cette thèse est intéressante, elle en est pour le moins… farfelue ! Ça serait comme de demander à un rappeur de modifier son langage parce que son « slang » n’est pas correct grammaticalement. Depuis quand on édicterait des règles qui imposeraient aux artistes de modifier leur création littéraire ! Si le chiac est présent chez Lisa Leblanc, comme un langage franc et parlé, tout comme chez les Hay Babies, je peux vous assurez qu’elles parlent un très bon français. C’est inévitable d’absorber la culture et la/les langues qui nous entourent (le créole a ainsi été créé comme langue de commerce dans les Antilles de la naissance de plusieurs langues sans pour autant faire disparaître le français, l’anglais ou l’espagnol dans cette région géographique du globe).
En en discutant avec Viviane, Julie et Catherine, le joli trio folk acadien des Hay Babies qui vient de sortir en juillet dernier Folio, leur premier EP composé de titre en anglais et… en chiac, leur position est claire là-dessus. Ce n’est pas vrai qu’elles sont totalement francophones, elles vivent dans un milieu bercé (ou secoué c’est selon) par ces deux langues et cela se traduit directement dans l’écriture de leurs textes… sauf pour Christian Rioux visiblement qui voudrait appliquer un correcteur orthographique à la poésie.
Ce n’est pas parce qu’une jeune génération de musiciens a naturellement choisi d’écrire en chiac que la jeunesse francophone (on entend dans ce cas précis la jeunesse québécoise) va se mettre à parler franglais et oublier son français dans la cour de récréation, et que le Québec en entier va s’angliciser à cause de cela. C’est comme dire que les gens qui boivent du lait le matin ont plus de risque d’avoir un accident de vélo en rentrant chez eux le soir, car on a établi une statistique bien réelle… entre deux éléments qui n’ont rien à voir !
Le vrai problème serait plutôt d’intéresser les jeunes à la chanson francophone, leur donner le goût et leur faire comprendre qu’il y a une quantité de groupes chantant en français qui sont loin d’être quétaines, que la langue française c’est... « hype » ! Il faut arrêter de croire que la chanson francophone, c’est de la variété édulcorée à la Star Academy. Il n’y a qu’à voir la programmation du Coup de cœur francophone de cette année pour se rendre compte de la qualité de ces auteurs.
Enfin pour terminer, je vous replongerais dans l’excellent documentaire de Pierre Perrault et Michel Brault L'Acadie, l’Acadie, où la révolte étudiante pour la survie du français donne un éclairage historique sur la situation au Nouveau-Brunswick au début des années 70. Une fois encore, ce sont les étudiants (donc les jeunes, cette même génération à qui on fait du tord en proposant des chansons en chiac) qui ont pris le flambeau de cette bataille pour préserver les français !
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