Une très belle soirée se présentait au Cabaret du Mile End ce vendredi (peut-être l'une des dernières à faire trembler ces murs), sous la houlette de l'ingénieux M pour Montréal et de l'intrépide L-A be (Let Artists be) et en collaboration avec Ici Musique. Un beau crescendo qui commençait par Martin Lizotte tout en subtilité pianistique, continuait avec la frêle et fraiche Émilie & Ogden, arrivait à un tournant de poésie cacophonique avec VioleTT Pi, pour enfin se terminer par la magistrale Betty Bonifassi. Sortez vos plus beaux adjectifs qualificatifs pour des baumes au cœur garantis.
Du nouveau stock pour Émilie et sa harpe ! Si la demoiselle paraît toute timide sur scène et qu'on aimerait la voir plus sûre d'elle dans ses interventions, il n'en demeure pas moins que la parfaite maitrise de sa harpe, très bien accompagnée par la guitare, le clavier ou la subtile batterie, donne plus que du potentiel. On arrive à une version beaucoup plus assumée et personnelle, même si on ne peut éviter la comparaison avec Johanna Newsom ou des saveurs de Cocorosie. Émilie & Odgen dans sa version trio arrive à un tournant, regardez-les bien aller, vous allez être surpris.
Il y avait un petit moment que je n'avais pas vu la groupe prendre possession de la scène et c'est avec une grande surprise que je constate les progrès constant de l'incroyable performance vocale de Karl Gagnon. Chanteur capillaire hirsute, navigant entre les styles sans jamais en démériter, il s'accompagne de solides musiciens transformistes le tout formant une cohésion sonore et ironique saisissante. Il ne faudrait pas oublier également la poésie dramaturgique des paroles ciblant l'amour comme souffre douleur ou plaisir intense. Une chose est sûr, VioleTT Pi joue avec les extrêmes comme on tendrait trop fort un élastique, à deux doigts qu'il n'explose.
Avec son projet de chants d'esclaves, longtemps dans les cartons et maintenant assouvi, Betty Bonifassi se retrouve comme un poisson dans l'eau. Comme si l'empreinte de sa voix avait été faite pour ça. Au delà de l'expérience vocale, il y a également l'attitude et bien sûr les arrangements musicaux incroyables auxquels on est jaloux de ne pas avoir pensé. On ne peut rester de marbre fasse à une telle mise en abîme de l'esclavage des noirs jusqu'à notre propre esclavage moderne. Un son puissant, une énergie foudroyante, nous sommes touchés !
Crédit photos : Julien "Zissou" Couasnon
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