18 sept. 2011

La femme aux cinq éléphants

Le monde ne va pas souvent au cinéma pour aller voir des documentaires. Encore moins des documentaires allemands qui parlent de traduction et de Dostoïevski. Encore moins la dernière fin de semaine de l’été, quand il fait doux sur les terrasses. Encore moins quand c’est une version originale sous-titrée, sans pop-corn ni liqueur. Nous étions 13 assis dispersés dans la salle, à suivre le long fil qui tisse l’histoire de Svetlana Geier, traductrice du russe vers l’allemand. Par petites bribes éparses, tel un patchwork, on en apprendra plus sur sa vie, qui comme ses cheveux blancs, est remplie de neige.

Formellement, ce documentaire de Vadim Jendreyko est assez curieux : on s’attendrait à voir l’œuvre de Dostoïevski disséquée à la virgule près pour en ressortir toute l’essence même de sa philosophie (tous les chemins ne sont pas bons à emprunter pour obtenir son but, autrement dit tous les moyens de justifient pas la fin). Ou alors, à comprendre le sens même de la traduction, qui jamais n’atteint l’original et qui n’est pas une lecture de gauche à droite, mais plus tôt une lecture le nez en l’air, qui change selon les époques et est en perpétuel mouvement, comme Sveltlana l’explique à des étudiants ukrainiens. Ou encore, à en connaître davantage sur l’histoire de Sveltlana, dont le père est l’un des rares à avoir eu une relaxe du goulag, pour finir par en mourir, six mois plus tard, malgré les soins quotidiens de sa fille de 15 ans.

 

Il y a un peu de tout cela dans ce film, qui reste en surface de toute chose. On s’attache au personnage de Sveltlana, cette « grand-mère » qui cuisine entre deux lectures de ses traductions par un musicien (pour le rythme et parce que c’est un érudit). Même le repassage fait l’objet d’une métaphore sur le bon chemin que doivent prendre les mots. En voix off, les passages historiques avec quelques rares photos et images d’archives nous font vivre avec une certaine distance et aussi une certaine intimité, le passé de Sveltlana (face à la caméra, celle-ci n’a pas toutes les réponses sur sa vie).

 

C’est touchant, authentique et émouvant. Est-ce que c’est ce que l’on attend d’un bon documentaire ? Je ne sais pas, et si je suis sortie un peu frustrée, finalement ce documentaire m’aura donné le goût de me plonger dans l’œuvre de Dostoïevski et ses cinq éléphants («Les frères Karamazov», «L’idiot», «Crime et châtiment», «Les Démons», «L’adolescent») ou dans mes cours d’Histoire. Serait-ce alors la vraie portée d’un documentaire : être une œuvre qui va au-delà des images et son contenu associé dans un espace temps de 75 minutes  et qui pousse à la réflexion, à la recherche, à l’analyse au-delà de l’objet en lui-même ? Je cherche encore la réponse, c’est donc bon signe !


La femme aux cinq éléphants de Vadim Jendreyko

Au cinéma Le Parallèle jusqu’au 21 septembre (15h -19h30)

1 commentaire:

  1. Et tu vas maintenant te régaler à lire Dostoïevski !

    Oui... c'est bon signe...

    :-)

    Elise

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