Il y a des jours particuliers, où allez à un concert ne vous semble plus une action anodine, mais plutôt une liberté incommensurable. C'était le cas hier soir au National, pour le retour (après trois shows tout de même) de Philippe Brach à Montréal, qui apportait sur un plateau de carcasses, toute toile squelettique tendue, son "Portrait de famine", dernier album sorti plus vite que la lumière à la rentrée. Retour sur une soirée éclectique et sagace !
Les cris étaient aigus hier soir, la gente féminine avait semble-t-il son mot à dire, ses soupirs à pousser et ses paroles à entonner, face à l'homme en noir, toute chevelure bouclée dehors, sorte de ressort sur pieds, mi-cocasse, mi-stressé. Le décor est planté : Philippe Brach plait aux filles... mais à leurs chums aussi ! Ouf ! Le gars à l’œil pétillant, qui parle sans trop de filtres, s'amuse aussi à bidouiller un pad de batterie pour en changer les sons (histoire d'avoir un public virtuel riant à ses malaises).
Séparé par une entracte récupératrice, le concert de Brach a le mérite d'être d'une franchise frontale, sans détour, avec des alternances bien choisies entre les deux albums pour en donner aussi aux fans de la première heure. Et force est de constater qu'il y a chez lui une nette démarcation, pas juste une fine ligne ou quelques secondes d'avance, mais bien des kilomètres au-delà des autres, dans la sincérité, la volonté de précision, l'esprit d'équipe, quitte à ce que la fameuse "cohésion musicale" en prenne un petit coup, ou deux. C'est au-delà des conventions qu'il porte aussi bien musique et parole, les deux sur un même pied d'estale. Avec sa voix incroyable, véritable atout, il pourrait tout porter, même une version de "Paranoid android" de Radiohead, reprise hallucinée et fort bien exécutée, libératrice et jouissive.
"Portrait de famine" raconte des histoires de tout et de rien, de rien qui semble tout et des tout qui ne font rien. L'évolution du prolifique Philippe Brach semble suivre son chemin, dans des endroits parfois buissonneux, même si on pourrait s'y perdre, la balade vaut le détour. On l'appréciera autant quand tout semble s’électriser et chavirer, que le fil de rasoir est prêt à se rompre que quand il apparait seul dans la lumière avec pour unique instrument sa voix et sa guitare, une source de jouvence dont seul lui connait le secret.
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